L’initiation ne fait pas le maçon

Vieil homme lisant un livre sacré devant un chemin lumineux symbolique
Un sage contemple le chemin spirituel de l’initiation

L’initiation maçonnique ne marque pas une fin, mais le début d’un long cheminement intérieur. Elle constitue un acte symbolique puissant, mais c’est le travail, l’expérience et l’humilité qui forgent véritablement le maçon. Car devenir maçon, c’est entreprendre une quête de soi, éclairée mais exigeante.

Voilà un titre en forme d’affirmation qui peut paraître péremptoire.

Et pourtant…

En assistant à des initiations, ou au cours d’installations – dans un vie maçonnique antérieure – j’ai pu discourir sur l’initiation en disant haut et fort que la cérémonie de réception ne fait pas le maçon. Certains s’en sont émus, trouvant sans doute exagérément superficiels de tels propos, n’y voyant peut-être qu’une formule de plus.

Mais plus le temps passe à blanchir sous le harnais de la quête perpétuelle, plus les ans accumulent le vécu et… l’expérience d’un univers maçonnique évoluant sans cesse, plus je reste ancré dans ce qui n’était, il y a quelques années, qu’une forte conviction et qui devient aujourd’hui, dans ma foi de maçon, une simple évidence.

Rectifions tout de même : c’est bien l’initiation qui confère la qualité de maçon.Mais surtout sur les états et registres des loges ou autres obédiences. Le reste, c’est affaire d’Homme (hommes et femmes, bien entendu).

Mise à disposition d’outils

Le fait d’être initié, outre celui de rejoindre une communauté, est la possibilité de prendre symboliquement en main des outils, permettant au néophyte de devenir maçon. Libre à lui de les utiliser, ou pas. Si une communauté a jugé utile d’initier, c’est qu’elle pense, surtout quand l’unanimité est la règle pour initier un profane, que ce dernier va s’en servir. En osmose avec lui-même d’abord et surtout en équilibre avec cette assemblée de maçons qui vient de le recevoir et qui sera désormais sa loge-mère.

Non ! Ce n’est pas seulement en frappant à la porte du Temple et en faisant trois petits tours que l’on est maçon. Ceux qui croient cela sont dans l’erreur. Car nous n’avons à aucun moment de la cérémonie, l’intervention d’une quelconque révélation, qui je vous rappelle la définition du Littré “est l’inspiration par laquelle Dieu fait connaître surnaturellement certaines choses pour illuminer l’impétrant et le transmuter”. Si cela était, nous le saurions depuis longtemps…

Il reste vrai que l’initiation maçonnique ouvre la porte à la quête: celle du savoir (on cherche tous à répondre à la question : qui suis-je ?), de la connaissance, (ou suis-je ?) et du cheminement (ou vais-je ?).

C’est par une pureté morale, disaient les frères de la Pureté, (les Ikhwan as Safar) que les âmes peuvent aboutir à une connaissance intuitive. Tout le monde ne peut atteindre ce que prônaient ces sages shi’ites qui étaient de parfaits gnostiques.

En maçonnerie comme ailleurs, il y a peut-être beaucoup d’appelés… et peu d’élus. Contentons-nous de prendre la canne de compagnon pour cheminer et construire notre vie d’homme libre, sinon parfait. Si l’on « nomadise », nous serons libres d’avoir la possibilité de devenir autre chose que ce que nous étions avant l’initiation maçonnique… Mais pour cela : que de chemin à faire et que de travail en perspective… D’abord sur nous-même. Ce n’est pas le moindre ni le plus facile. Il y a ce stupide orgueil qu’alimente une vanité désuète dans une société d’honneurs factices ou l’égo est roi. Il faut du temps pour arriver à éradiquer tout cela.

Cette quête intérieure, dans le secret de la conscience, qui doit précéder la quête extérieure, cette quête qui ne peut-être que spirituelle si nous voulons tenter d’approcher nos propres mystères et retrouver la petite étincelle qui nous accompagnera au bout du chemin, est la chose essentielle dans la vie d’un homme.

Trop souvent, le profane surtout et le maçon parfois, oublie qu’il n’est que de passage et que la mort est sa destinée. (Le préambule du cabinet de réflexion est assez explicite). L’initiation maçonnique est donc aussi une invite à l’humilité dans un monde où, rongés d’égo et d’orgueil, les hommes veulent toujours plus pour assouvir leur envie de pouvoir ou leur soif d’image sociétale. Être “représentatif”, “statutaire” disent aujourd’hui les gens du marketing. Toujours le paraître plus que l’être. Toute chose vaine et factice créée par Lucifer, comme disaient Zarathoustra et, plus tard, les cathares. (Nous ne sommes pas de ce monde…).

Nous sommes déjà loin d’un geste ou d’une cérémonie suffisant, pour d’aucuns, à faire d’un profane un initié. Et j’ai, malheureusement, vu pire en soirée de réception bâclée en quelques minutes afin de plaire à un hiérarque politicien ne souhaitant pas “faire le guignol”.

En maçonnerie, répétons-le, il n’y a ni gourous, ni marchands d’illusions pouvant faire croire à quelques fidèles qu’ils vont recevoir la vérité révélée. Nous n’avons pas de vérité vraie à transmettre et le travail du futur maçon sera, grâce aux outils que nous lui présentons lors de son initiation, de tenter d’approcher cette vérité, lui laissant découvrir plus tard qu’elle ne sera qu’une imparfaite traduction d’une réalité qui se dessine lors de la quête. Une vérité très vite réduite à une peau de chagrin, voire à néant par d’autres cheminements intérieurs ou des faits extérieurs que nous ne savons, ou ne pouvons pas toujours maîtriser.

Pourtant, ils sont nombreux ceux qui savent. Même s’ils n’ont pas reçu de sacrement. Car ici, on ne sacre pas, on constitue. (voir le rituel de réception)

Un commencement

D’abord, il y ceux qui sont venus voir, pensant trouver dans nos Temples des réponses à celui qui n’en a pas. Je ne parle pas ici des affairistes venant échanger leurs carnets d’adresse, ou de ceux qui voient par là un moyen d’être dans la société profane. Ceux-là sont toujours les premiers à clamer urbi et orbi qu’ils ont reçu la lumière, agissant comme des hommes connaissant des secrets les rendant plus importants que les autres hommes, parce que différents, puisqu’ils sont maçons. Les sots.

Seule la médiocrité de leur vie spirituelle leur fait confondre le but et la quête, la carte et le territoire, reniant ainsi le privilège d’avoir été initiés. C’est pourquoi notre Ordre doit toujours observer l’exigence du choix (nous n’avons pas à avoir honte de revendiquer l’élite, celle de l’esprit bien entendu) et l’existence d’une hiérarchie construite sur le processus initiatique.

Dans notre charte du GOTM et pour beaucoup dans les prolégomènes des loges, nous osons parler d’ascèse initiatique. Cela veut simplement dire, qu’au travers des épreuves (pas toujours symboliques au cours d’une vie), nous cheminons vers notre propre vérité, même si elle reste fragile, vers plus de connaissance que nous procure la maîtrise avec son corollaire de lucidité (qui vient de lumière).

Alors, pour faire un maçon, à l’INITIATION, ajoutons TRAVAIL et ÉPREUVES. Certes l’initiation n’est pas, loin de là, à jeter aux orties.

Elle est même essentielle si le néophyte comprend que cette mort-résurrection” est un commencement. A tous les niveaux : comportement, façon d’être dans la cité et façon de penser… Alors, puisqu’elle n’est qu’un “commencement”, l’initiation ne peut pas faire le maçon (CQFD).

Elle dessine seulement une voie… à prendre

Mais elle est bien un commencement puisque c’est à partir de ce moment-là que doit éclore l’homme nouveau, accompagné sur sa voie par ses tuteurs, ses maîtres (ou parrains) qui l’ont “introduit” sur le chemin de sa propre connaissance.

Cela demande d’abord l’écoute et l’obéissance (eh oui !), une conscience et une détermination dans la recherche, le refus de l’apparence et cette intelligence du cœur qui ne s’apprend pas, pour tenter d’approcher la vérité. En sachant fort bien qu’une fois approchée à s’y brûler, cette vérité risque de s’éloigner à la première confrontation intelligente avec soi-même si l’on “nomadise” (en polissant grâce aux différences) et que la seule certitude que nous ayons est le doute. Celui qui naît de l’insatisfaction permanente de l’homme refusant le prêt-à-penser, ce doute moteur de changement qui pérennise la quête dans la continuité.

Qui peut avoir la prétention de dire qu’il est maçon une fois terminée la cérémonie de réception ?

Encore une fois, dans le Temple, ni révélation, et encore moins d’onction, donc tout reste encore à faire. Et fort heureusement d’ailleurs, si non, il suffirait de payer sa capitation, de participer comme acteur à la cérémonie d’initiation et le tour serait joué.

Malheureusement, certaines associations maçonniques ne sont guère éloignées de cela : paie et tu auras ton cordon, ton sautoir et ton bref.

Les marchands sont dans le Temple.

A ceux-là, les certitudes ne tendent pas de piège : ils savent, donc ils sont.

Ils passent malheureusement à côté de ce qu’ils croyaient être venus chercher parce qu’ils ont simplement oublié qu’ils  restent enfermés leur propre piège.

“Le plus redoutable des pièges, disait l’un de nos sages, nous le portons en nous.”

Devenir maçon est le but de l’initiation. Et si l’initiation ne fait pas le maçon, sans initiation… il n’y a pas de maçon.

Reconnaissons que tout homme ou femme ont la faculté d’être initié.

C’est-à-dire d’être mis en situation de développer “un état de conscience transcendant et de parfaire l’évolution progressive de sa psyché”. Mais cela implique le dépassement de soi, ce dépassement devant être conjugué au quotidien qui permet à l’homme de devenir un être et non un simple rouage dans une société mercantiliste qui ne cherche qu’à l’identifier à la masse. C’est dire le difficile équilibre à trouver, pour un vrai maçon, entre l’homme essentiel, cette part d’homme qui est essence, que d’autres appellent dieu, et l’homme social, devenu de plus en plus envahissant dans une société basée uniquement sur le consumérisme et le fric roi.

Plus vite va le monde dans son délire techno-consuméro-mondialiste condamnant l’individu à une fuite en avant effrénée, plus il est réducteur, dans l’information comme dans le savoir, et plus les hommes s’empressent d’affirmer.

Construire en soi un sage, ou un homme de paix n’est-ce-pas mieux se préparer à vivre en homme libre ?

Le chemin est long et difficile. Tout maître le sait. D’autant plus quand il faut appréhender certains aspects de la connaissance au-delà de la rationalité.

Marier l’eau et le feu ? Impossible, nous a-t’on doctement enseigné. Mais ne sommes-nous pas les alchimistes du XXIe siècle ?

Alors, au travail !

Et que tombent les barrières dressées par certains pour en empêcher d’autres d’être enfin de parfaits maçons libres. 


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